La crise politique sans précédent qui secoue le gouvernement canadien de Justin Trudeau s'est encore aggravée lundi avec la démission surprise d'une ministre, dans la foulée des accusations d'ingérence du Premier ministre et de son entourage dans une procédure judiciaire.
**Déjà trois démissions**
"Je me suis penchée sur les événements qui ont secoué le gouvernement fédéral ces dernières semaines et après une sérieuse réflexion, j'en ai conclu que je devais démissionner", explique Jane Philpott dans une lettre au Premier ministre libéral. Ancienne ministre de la Santé puis des affaires autochtones, elle avait été promue présidente du Conseil du Trésor, responsable du budget, lors d'un remaniement mi-janvier.
Bien que cette décision le "déçoive", Justin Trudeau a dit qu'il la "respect(ait)". Devant des militants libéraux lundi soir à Toronto, il a assuré "prendre très au sérieux (...) les inquiétudes" suscitées par cette affaire qui, selon lui, va générer "plus de questions et de réponses dans les jours et les semaines à venir".
Le coup est rude pour Justin Trudeau alors que des élections législatives sont prévues en octobre: il s'agit de la troisième démission dans son entourage depuis que son ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a dit avoir subi des "pressions" inappropriées du Premier ministre et de son entourage pour qu'elle tente d'éviter un procès au géant du BTP SNC-Lavalin.
Jody Wilson-Raybould elle-même a quitté le gouvernement le 12 février, suivie quelques jours plus tard par le principal conseiller de Trudeau, Gerald Butts. Ce dernier, mis en cause par l'ancienne ministre de la Justice, doit livrer sa version des faits mercredi devant les députés.
Pour justifier sa démission, Jane Philpott, au gouvernement depuis 2015 et réputée proche de Jody Wilson-Raybould, explique n'avoir "plus confiance dans la façon dont le gouvernement a géré cette affaire et dans sa réponse à ces questions".
**"Chaos"**
Après sa démission, Jody Wilson-Raybould a accusé Justin Trudeau et sa garde rapprochée d'avoir exercé sur elle des pressions assorties de "menaces voilées", pour qu'elle intervienne auprès du bureau des procureurs en faveur de SNC-Lavalin.
Le groupe québécois est accusé depuis 2015 de corruption pour avoir versé 48 millions de dollars canadiens de pots-de-vin (32 millions d'euros) à des responsables libyens du temps du dictateur Mouammar Kadhafi, entre 2001 et 2011, pour décrocher d'importants contrats dans ce pays.
Un accord hors cour entre la justice et SNC-Lavalin aurait permis à cette société, qui emploie 50.000 personnes dans le monde dont 9.000 au Canada, d'échapper à une condamnation pouvant compromettre son avenir.
Jody Wilson-Raybould a finalement refusé d'intervenir et un procès est toujours prévu, à une date encore indéterminée.
Le chef de l'opposition conservatrice Andrew Scheer a immédiatement fustigé "un gouvernement en plein chaos, dirigé par un Premier ministre en disgrâce". En tête dans les derniers sondages, il a appelé les ministres du gouvernement à se poser les mêmes questions que Mme Philpott, et à en tirer les mêmes conséquences.
Lors du remaniement de la mi-janvier, Jody Wilson-Raybould avait été rétrogradée au poste de ministre des Anciens combattants. Elle s'est dite persuadée d'avoir été punie pour n'avoir pas cédé aux pressions.
**Toujours en crise avec la Chine**
"L'affaire SNC-Lavalin", comme l'a baptisée la presse canadienne, tombe d'autant plus mal pour le Premier ministre qu'il doit déjà affronter une crise diplomatique sans précédent avec la Chine depuis l'arrestation de la directrice financière du géant chinois Huawei début décembre à Vancouver.
Meng Wanzhou a été arrêtée à la demande des Etats-Unis, qui exigent son extradition pour violation présumée des sanctions américaines contre l'Iran.
La Chine n'a cessé depuis d'appeler Ottawa à la remettre en liberté. Justin Trudeau, de son côté, n'a cessé d'invoquer l'indépendance du système judiciaire canadien, qui vient de donner son feu vert au processus d'extradition de Meng Wanzhou.
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