Opinion

Etre lobbyiste citoyen, c’est « avoir un impact sans s’engager de manière frontale »

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Etre lobbyiste citoyen, c’est « avoir un impact sans s’engager de manière frontale »


Sur sa carte de visite, il est écrit « Public Affairs Manager ». « Il n’est jamais explicitement écrit 'lobbyiste', explique Benoît Vivier, c’est trop connoté. » Dans son bureau situé dans le quartier Louise, à Bruxelles, Benoît commence tranquillement sa journée par un café. « Cette période est assez calme pour les lobbyistes. Avec les élections européennes qui approchent, il n’y a plus de travail législatif en cours. »


 

A 27 ans, Benoît travaille pour l’EENA, une association qui vise à améliorer le travail des services d’urgences, via le numéro 112. « Le lobbying ne concerne pas seulement les grosses industries comme le tabac, explique Benoît, il y a aussi des ONG, des associations comme la nôtre qui œuvrent pour l’intérêt général et apportent des informations aux députés chargés de faire la législation. C’est une sorte de lobby citoyen. »



Incroyable de voir l’impact qu’on peut avoir



Récemment, le travail de Benoît a par exemple permis d’améliorer la localisation des appels d’urgence. « Dans la plupart des pays européens, un appel d’urgence est localisé dans un rayon de 2km. Ça représente une surface énorme qui ne permet pas de secourir assez rapidement les personnes qui ne sont pas en état d'indiquer le lieu précis où elles se trouvent ou l'ignorent, explique-t-il. J’ai poussé pour qu’on se base sur la géolocalisation des smartphones – beaucoup plus précise – et c’est passé dans la législation européenne. »


« Après des heures de travail là-dessus, relate-t-il, j’ai un jour reçu un mail me signalant qu’une vie avait été sauvée grâce à ce nouveau système. C’est incroyable de voir l’impact qu’on peut avoir. »


Avoir un impact sur la société en évitant d’être en première ligne, c’est justement la raison pour laquelle ce diplômé en affaires européennes s’est tourné vers le lobbying. « En tant que citoyens, nous avons tous le désir de changer les choses. Mais on n’a pas forcément tous envie de s’engager de manière frontale en politique », explique Benoît.



 


Démocratique ?



L’influence de ces lobbyistes peut cependant poser question. Ceux-ci n’étant pas élus, ce fonctionnement est-il vraiment démocratique ? Oui, selon Benoît. « Les lobbies sont essentiels au bon fonctionnement démocratique, assure-t-il. Quand les politiques réfléchissent aux nouvelles législations, il est important que tous les intérêts soient représentés dans la prise de décision. C’est ensuite à eux de se nourrir des informations qu’on leur apporte et de choisir en leur âme et conscience. »


Benoît admet cependant qu’il « peut y avoir des abus. D’autant que certains lobbies fonctionnent de façon sournoise. Des industriels ont par exemple créé de 'fausses' associations pour tenter de détourner l’attention et freiner certaines avancées. La transparence est donc essentielle. On doit savoir quels lobbies travaillent avec quels budgets. »



On ne solutionne pas tous les problèmes avec des lois



Aspect moins connu du travail du lobbyiste : les relations avec les compagnies privées et tout particulièrement les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). « Ces acteurs transnationaux non-étatiques sont devenus tellement puissants qu’on ne peut pas fonctionner sans eux », explique Benoît.


« Pour défendre notre cause – la meilleure location des appels d’urgence - on a eu des contacts avec Google, qui s’est montré très ouvert, précise-t-il. L’avantage de cette option, c’est l’immédiateté. Ça va beaucoup plus vite et c’est directement appliqué à tous les utilisateurs de Google. Si on doit toujours attendre une solution législative pour résoudre tous les problèmes, ça peut prendre 3-4-5 ans. On ne solutionne pas tous les problèmes avec des lois. »



 



On a l'Europe qu'on choisit



Le 26 mai prochain, Benoît vivra ses premières élections européennes en tant que lobbyiste. « On sait que 60 à 70% des députés européens vont changer. On se prépare déjà à ce renouvellement », explique-t-il. Il appréhende beaucoup les résultats et craint d’assister à une nouvelle montée de l’extrême droite. 


« Nous élisons des députés qui nous représentent, votent des lois, changent des choses », dit-il, insistant sur l’importance du vote. Et conclut : « On a l’Europe qu’on choisit. »


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