La France fait face depuis plusieurs mois à une résurgence de faux billets. Il ne s’agit pas de contrefaçon en bande organisée, plutôt de faux billets grossiers, mais qui font des centaines de victimes quand même. Il s’agit de billets de movie money : ce sont des billets grossièrement imités destinés initialement à l’utilisation sur des plateaux de tournage de films, imprimés sans trop de subtilité et sur lesquels figure d’ailleurs la mention "ceci est illégal".
Yves Timmermans, conseiller à la circulation fiduciaire à la Banque Nationale, est en quelque sorte le "Monsieur billets de banque" de la Banque Nationale de Belgique. Il explique que "la taille est identique, on a ajouté des mentions — 'this is not legal', 'it is to be used for motion props' — mais ça ressemble de loin à un billet. Cela dit, il n’y a aucun des signes de sécurité et c’est même très grossier comme reproduction. Donc si on accorde une demi-seconde d’attention, on voit tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un billet, mais bien d’une reproduction illicite".
Il s’agit donc plutôt de fraude que de véritable contrefaçon. Il est même surprenant que ces billets se retrouvent en circulation. Mais ces billets font depuis plusieurs mois des dégâts, surtout en France et dans les petits commerces non pourvus d’un dispositif de détection de faux billets. Au moins une centaine de dossiers auraient été ouverts dans toutes les régions de l’Hexagone.
Même s’ils sont prévus pour des films, ces billets sont illégaux. La loi prévoit une taille, une dimension beaucoup plus grande que les originaux pour ce type de billets, qui sont donc des faux, mais reconnaissables à l’œil nu. Et pourtant ils sont là, à la fois tout à fait illicites et en vente libre sur eBay, sur AliExpress et sur Amazon. En quelques clics à peine, vous pouvez acheter pour des dizaines de milliers d’euros, faux, pour 10 euros à peine.
"Il n’est pas anormal de jeter un bref coup d’œil sur un billet"
Dans la zone euro, le phénomène des faux billets est en diminution constante depuis plusieurs années. Et pour Yves Timmermans, l’euro aurait d’ailleurs pu être la cible de contrefaçons et d’attaques beaucoup plus massives : "Les chiffres de faux billets, suivant les années depuis le début de l’euro, sont souvent situés entre 600.000 et 900.000 par an. L’an passé, on était à 562.000. Il y a donc bien eu une diminution. Difficile d’en connaître les raisons : peut-être l’arrivée de la deuxième série d’euros. Maintenant, ce qui se passe dans la tête des criminels, je l’ignore. Ça ne veut pas dire que l’on doit baisser la garde et qu’on ne doit pas être attentif. Au même titre que si on paye par carte, on fait un code secret qui va authentifier la transaction, il n’est pas anormal de jeter un bref coup d’œil sur un billet et bien sûr de savoir ce qu’il faut regarder".
Les dégâts financiers liés aux faux billets sont estimés pour la zone euro entre 30 et 40 millions d’euros perdus par an. C’est beaucoup, en tout cas à l’échelle du commerçant qui est lésé, mais cela reste 60 fois moins que les dégâts financiers liés à la fraude à la carte bancaire qui, eux, sont estimés à 1,8 milliard d’euros. Autant le dire clairement : si vous ouvrez maintenant votre portefeuille, il y a moins de risque de fraude contenu dans votre billet de 20 euros que juste à côté dans votre carte bancaire.
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