Des milliers de Soudanais ont allumé samedi des bougies à travers le pays et lâché des ballons dans le ciel pour rendre hommage aux manifestants tués le 3 juin lors de la dispersion à Khartoum d’un sit-in demandant aux dirigeants militaires un pouvoir civil.
Quarante jours après l’évacuation brutale de ce rassemblement, l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, a appelé les Soudanais à défiler dans les rues en signe de soutien aux familles des victimes.
Au moins 136 personnes ont été tuées le 3 juin par des hommes armés, selon un comité de médecins proche de la contestation, tandis que les autorités parlent de 71 morts.
Scandant "sang pour sang, nous n’accepterons pas de compensation", une foule de manifestants a envahi les rues du quartier de Bahari, dans le nord de Khartoum, haut-lieu de la contestation qui a causé la chute d’Omar el-Béchir le 11 avril, après trois décennies au pouvoir.
Le soir tombé, des centaines de manifestants se sont assis en cercle autour de bougies, après avoir lâché des ballons. D’autres brandissaient leur portable, la fonction "lampe torche" activée pour illuminer la nuit de Khartoum, selon une journaliste de l’AFP sur place.
"Pouvoir civil, pouvoir civil", ont-ils chanté, agitant des drapeaux soudanais.
"Justice avant tout"
Des manifestants ont également défilé dans le quartier de Haj Youssef, à Khartoum. Certains brandissaient les photographies des "martyrs", les manifestants tués le 3 juin.
"On doit prendre ce qui nous appartient, on doit libérer le Soudan de son passé. Nous voulons un pouvoir civil maintenant", a déclaré Abdelgadir Omar, un professeur d’anglais participant à la manifestation.
Les rues menant au Palais présidentiel étaient fermées par les forces de sécurité, également déployées sur la route de l’aéroport.
Des centaines de personnes ont aussi protesté à Omdourman, ville jumelle de la capitale, et à Port-Soudan, poumon économique du pays situé 675 km à l’est de Khartoum. Des manifestations se sont aussi tenues à Madani et Kassala, dans l’est du pays, et à al-Obeid (centre), ont indiqué d’autres témoins par téléphone.
Cette journée de rassemblements, qui marque la fin du deuil pour les familles selon la coutume musulmane, a été baptisée "La justice avant tout". Les manifestants réclament des enquêtes sur la mort des victimes et le jugement des auteurs présumés des violences.
Le Conseil militaire, actuellement au pouvoir, affirme ne pas avoir ordonné la dispersion du sit-in, tout en reconnaissant l’implication d'"officiers et de soldats". Des ONG et manifestants pointent du doigt les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF).
A Atbara, une foule de manifestants a envahi les rues de cette ville où se sont déroulées les premières manifestations du mouvement déclenché le 19 décembre par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.
Des dizaines de personnes avaient déjà été tuées dans la répression de la contestation, avant même la dispersion du sit-in.
Ce dernier, installé devant le QG de l’armée à Khartoum, était fréquenté jour et nuit par des milliers de Soudanais exigeant que les militaires, qui avaient destitué Omar el-Béchir, remettent le pouvoir aux civils.
Le raid meurtrier du 3 juin a eu lieu alors que les négociations entre chefs de file de la contestation et l’armée se trouvaient dans une impasse.
Après des semaines de tensions, les deux camps sont finalement parvenus le 5 juillet à un accord sur la constitution d’une instance chargée de la période de transition, fixée à trois ans.
Réunion dimanche
L’accord sur cette instance – qui sera présidée par un militaire pendant les 21 premiers mois, puis par un représentant civil pendant les 18 mois restants – doit en principe être signé dans les prochains jours et fait encore l’objet de discussions entre les deux parties.
Les médiateurs de l’Union africaine et de l’Ethiopie ayant supervisé les pourparlers ont annoncé qu’une rencontre initialement prévue samedi soir avait été reportée à dimanche, à la demande du mouvement civil.
"Nous ne sommes pas les ennemis de l’ALC", a déclaré samedi Mohamed Hamdan Daglo, dit "Hemeidti", adjoint du chef du Conseil militaire, lors d’un discours retransmis à la télévision publique.
"Nous formons un véritable partenariat", a ajouté celui qui est également à la tête des RSF.
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