Pauvreté, tensions internationales et vie privée: Vladimir Poutine, confronté à un mécontentement croissant des Russes, répond pendant plusieurs heures à leurs doléances en direct à la télévision. Quand s'arrêtera la hausse des tarifs des services publics? Pourquoi gagne-t-on trois fois moins en province qu'à Moscou? La ligne directe avec le président donne lieu chaque année à des promesses de régler les problèmes quotidiens de la population, à des remontées de bretelles de responsables régionaux ainsi qu'à des confidences sur la vie privée du maître du Kremlin.
Organisé pour la 17e fois depuis l'arrivée au pouvoir de M. Poutine en 1999, cet exercice médiatique dure généralement quatre à cinq heures. Il intervient alors que le président a vu sa popularité chuter depuis l'annonce, il y a tout juste un an, de mesures impopulaires mais présentées comme nécessaires, comme le relèvement de l'âge de la retraite ou la hausse de la TVA. Selon l'institut indépendant Levada, les deux tiers des Russes approuvent la politique de leur président, un chiffre élevé mais en net retrait après avoir évolué entre 80% et 90% après l'annexion de la Crimée en 2014.
L'objectif est de montrer que Vladimir Poutine est le meilleur défenseur des intérêts du peuple
"L'objectif principal de la Ligne directe est de montrer que Vladimir Poutine est le meilleur défenseur des intérêts du peuple, que c'est le président le plus humain et le dernier espoir pour la justice", explique à l'AFP l'analyste politique Konstantin Kalatchev. "Alors que la popularité du président baisse et le nombre de pessimistes dans le pays s'accroît, selon des sondages, il faut tout faire pour augmenter l'optimisme social", estime-t-il. "Le président joue ainsi le rôle d'une personne à qui on peut s'adresser quand on est déjà complètement désespéré. Et dans ce style, il plaît à beaucoup de Russes".
Un million de questions
La majorité des questions, qui ont afflué ces derniers jours sur un site spécial, par téléphone et via les réseaux sociaux, porte sur les problèmes économiques et sociaux. Dominent cette année la faiblesse des salaires en province, le manque d'écoles maternelles à travers le pays ou le niveau élevé des tarifs des services communaux. A la veille de cette séance télévisée, plus d'un million de questions ont été envoyées au président, selon la chaîne publique russe Rossia 24.
"Comment vivre avec une allocation mensuelle de 50 roubles (moins d'un euro) pour mon enfant? On se moque du monde ou quoi?", écrit une femme en congé maternité, dont la question est publiée sur le site officiel de la Ligne directe. Alors que le pays est frappé depuis 2014 par des sanctions économiques européennes et américaines sans précédent en raison de la crise ukrainienne, "la pauvreté est devenue une honte pour la Russie", a déclaré lundi l'influent chef de la Chambre des comptes russe, Alexeï Koudrine, dans un entretien télévisé, estimant qu'elle concernait plus de 12 millions de personnes sur 146,7 millions d'habitants. Si les autorités russes n'ont pas été jusqu'alors confrontées à un mouvement social d'ampleur, le mécontentement s'est exprimé ces derniers mois dans une série de contestations locales sur des sujets de proximité comme le traitement des déchets ou la construction d'une cathédrale dans l'Oural.
Allusions sur sa vie privée
La politique étrangère de Russie préoccupe aussi les esprits des Russes au moment où les relations entre Moscou et les Occidentaux sont au plus bas depuis la fin de la Guerre froide, empoisonnées par des désaccords sur la Syrie et l'Ukraine, des scandales d'ingérence électorale présumée et d'espionnage. "Attendez-vous une amélioration des relations avec les Etats-Unis et l'UE et qu'est-ce vous allez faire pour cela?", demande ainsi un habitant russe.
Au-delà des problèmes économiques et politiques, la personnalité du président suscite la curiosité et il glisse généralement dans l'émission quelques allusions sur sa vie privée, strictement protégée. "Avez-vous du temps de lire des livres et quel est votre écrivain préféré?", "Pourquoi portez-vous votre montre sur votre bras droit?", "C'est comment d'être président? Est-ce dur ou pas?", veulent par exemple savoir les Russes qui ont déjà envoyé leurs questions.
AFP
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