Les obligations vertes ont le vent en poupe : le marché mondial de la dette verte a une croissance de 20% en un an. Après la France, la Belgique et les Pays-Bas, de plus en plus de pays émergents émettent des obligations vertes — l’Indonésie, le Nigeria, les îles Fidji et tout récemment le Chili.
Comme une obligation classique, une obligation verte est un outil de financement des États ou des entreprises par les marchés. Par exemple, un pays émet des obligations et les met en circulation, ce sont des sortes de reconnaissances de dette assorties d’une durée et d’un rendement acheté, si possible, par un investisseur, comme des fonds de pension ou des gestionnaires d’actifs, par exemple. Et lorsqu'on parle d’obligations vertes, les sommes récoltées par le pays émetteur sont supposées être destinées directement au financement de la conversion d’économie vers de faibles émissions de carbone. Il est souvent question d’infrastructures, de transport en commun, d’énergies renouvelables ou de gestion de l’eau, par exemple.
Taux d'intérêt faibles
Mais il n’y a pas de définition légale de ce qu’est une obligation verte, et pas de critères unanimement reconnus. Et donc, derrière l’appellation "verte" ne se cache pas forcément un grand miracle de conversion environnementale. Le Chili, par exemple, a émis en juin en deux fois pour 1,6 milliard de dollars d’obligations vertes sur le montant total. Oui, il y a des projets environnementaux, mais pas que, selon Xavier Dupret, économiste à la Fondation Joseph Jacquemotte : "Une partie significative — je crois que c’est 850-860 millions de dollars — a servi à refinancer des dettes antérieures qui n’avaient pas grand-chose à voir avec l’environnement. En réalité, en termes de cash, de new cash, pour faire de la conversion de l’économie à de nouvelles exigences environnementales, il n’y avait que 500 millions de dollars. Et c’est vrai qu’un pays comme le Chili, ou d’autres, aussi profitent du fait que les taux d’intérêt sont très faibles pour quelque part se refinancer un maximum".
Réaliser une opération pareille est évidemment tentant, parce que le marché vert est en plein essor et que trouver des investisseurs est presque garanti lorsqu’un pays émet des obligations vertes. La Belgique a levé, début 2018, 4,5 milliards d’euros, c’était le deuxième pays de la zone euro à émettre de la dette verte. Cette année, les Pays-Bas ont levé six milliards d’euros et, en général, ces émissions d’obligations sont toutes ou presque couronnées de succès.
Deux cents milliards de dollars : voilà ce que devrait peser le marché mondial des obligations vertes d’ici à la fin de l’année. 200 milliards, ça peut paraître beaucoup, sauf que ça reste une infime partie du marché obligataire total qui, lui, se chiffre en dizaines de milliers de milliards de dollars.
Retour économique
Émettre des obligations, aussi vertes soient-elles, c’est se financer par les marchés, et Xavier Dupret rappelle que ce n’est évidemment pas la seule source de financement d’un État : "L'investisseur privé, c’est bien le financement par les marchés, c’est bien si on peut à très brève échéance voir un retour économique sur l’investissement. Si ce n’est pas le cas, il vaut quand même mieux essayer de financer par de l’impôt des investissements de très long terme. Je vais être très clair : si on améliore les infrastructures routières d’un pays comme le Pérou, qui va bientôt lancer ses obligations vertes, ça va être très bon parce que ça va être beaucoup plus roulable, donc on va passer moins de temps sur les routes, et donc on va émettre moins de CO2. Mais de là à avoir un retour économique qui permette de justifier ou d’autofinancer l’émission d’obligations, là il faudra passer beaucoup de temps".
Par contre, dans le cas de projets environnementaux qui créent une plus grande profitabilité, comme des centrales énergétiques plus performantes par exemple, là les obligations vertes semblent tout indiquées, économiquement en tout cas. La dette verte symbolise en fait à ce stade plutôt une prise de conscience, en particulier ces derniers temps, de la part de certains pays émergents, plus que la vraie promesse d’une gigantesque conversion environnementale.
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