"Qui remporte Istanbul remporte la Turquie". Cette phrase de Recep Tayyip Erdogan résume, à elle seule, l’enjeu majeur que représente le scrutin stambouliote qui se déroule ce dimanche. Pour la première fois depuis plus de 16 ans, l’AKP est égratignée. Paradoxe pour le président turc, c’est au bord du Bosphore, dans la ville où il a construit son ascension politique (maire de 1994 à 1998), que son parti pourrait amorcer sa chute.
L’étoile montante
Face à l’AKP se dresse un homme quasiment inconnu du grand public il y a quelques mois, Ekrem Imamoglu, du parti républicain du peuple (CHP). Lors des municipales du 31 mars dernier, la figure d’opposition kémaliste, a battu son opposant, le membre du parti d’Erdogan, Binali Yildirim… pour seulement 13.000 voix, sur plus de huit millions de votants.
Mais l’AKP évoque des irrégularités dans le scrutin. Il fait preuve d’influence et obtient l’annulation de ce scrutin, et son report à ce dimanche 23 juin. Ce report est un quitte ou double pour le premier parti de Turquie : si le résultat se confirme, ce sera une deuxième défaite de rang pour Erdogan ; si par contre il s’inverse, l’AKP conservera Istanbul, la capitale économique du pays, mégapole de plus de 16 millions d’habitants.
Le centre et les Kurdes
Lors de cette élection, il faudra surveiller le comportement de deux acteurs minoritaires, mais qui auront un rôle crucial dans ce scrutin polarisé : les électeurs du centre, et les Kurdes.
Ainsi, les électeurs du centre vont-ils pencher pour l’AKP ou choisiront-ils la voie de l’abstention ? Les trois millions de Kurdes stambouliotes vont-ils se ranger derrière l’opposition pour faire front commun contre Erdogan ? Toujours est-il que le président -qui s’est fait plus discret ces dernières semaines- a profité de cet éventuel soutien pour réaliser du bashing contre Imamoglu, accusé désormais de “coopérer avec des organisations terroristes”.
Recep Tayyip Erdogan avait fait des municipales du 31 mars un vote sur la "survie de la nation". Désormais, la crainte d’une défaite le pousse à en minimiser la portée : il a ainsi affirmé que le scrutin n’était finalement que "symbolique", tout en promettant qu’il accepterait le résultat. Il faut dire aussi qu’une victoire, dans ce contexte, ne pourrait qu’accentuer le sentiment d’injustice d’une partie des Stambouliotes, hostile à la politique de l’AKP. Tandis que la Turquie doit faire face depuis plus d’un an à une dépréciation de la lire turque qui a entraîné une perte du pouvoir d’achat.
Thibault Balthazar, RTBF
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