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MR et Open-VLD ont dévoilé leurs priorités, ces alliances entre familles politiques ont-elles encore un sens?

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MR et Open-VLD ont dévoilé leurs priorités, ces alliances entre familles politiques ont-elles encore un sens?



Le président du MR a présenté, ce mardi, un programme électoral libéral commun avec la présidente de l’Open-VLD. Charles Michel et Gwendolyn Rutten ont évoqué ensemble cinq priorités pour les années à venir : le pouvoir d’achat, l’emploi, les investissements, la conciliation vie privée vie professionnelle et les pensions.





Cette présentation commune peut étonner quand on sait que les libéraux flamands et francophones ont des divergences importantes comme sur les allocations de chômages : l’Open-VLD voudrait les limiter dans le temps alors que le MR s’y oppose.


Mais pour le directeur général du Crisp, le Centre de recherche et d’information sociopolitiques, ce n’est pas ça qui le surprend. « Au niveau fédéral on a un axe libéral qui s’est effectivement maintenu entre le MR et l’Open-VLD. Mais en même temps, on a aussi au niveau de la Région de Bruxelles-capitale, le MR qui est dans l’opposition, alors que l’Open-VLD est au pouvoir. Donc, on voit que les deux cas de figure peuvent exister : on est au pouvoir seul d’un côté et dans l’opposition de l’autre ; ou bien on est au pouvoir ensemble ».


Par contre, ce qui le surprend, c’est que cette conférence de presse intervient deux jours seulement après que Charles Michel a réalisé une interview commune avec le président du CD&V dans Le Soir et le Standaard. Pour Jean Faniel « soit on considère qu’ils font un ménage à trois (c’est aussi une forme de famille possible) soit alors effectivement du côté du CD&V et de l’Open-VLD, on doit s’interroger sur la sincérité du MR s’il est capable de dire 'nous voulons travailler prioritairement avec l’un' et puis deux jours plus tard, 'nous voulons travailler prioritairement avec l’autre'. En même temps, les autres peuvent travailler tout à fait ensemble aussi. Open-VLD et CD&V le font depuis pas mal d’années ».


D’où cette question : peut-on encore vraiment parler de vraies familles politiques en Belgique?


L’écart entre les grandes familles politiques du Nord et du Sud s’agrandit-il?


Les divergences entre les familles politiques du Nord et du Sud du pays ne datent pas d’hier. « Au 20e siècle, il y avait des tensions à l’intérieur des mêmes partis. Ils ont d’ailleurs fini par éclater », rappelle Jean Faniel.


« On a eu un éclatement du parti social-chrétien, puis du parti libéral, puis du parti socialiste belge entre 1968 et 1978. Donc, en l’espace d’une dizaine d’années à peine, les trois grands partis se sont scindés même s’ils ont gardé certains liens en termes de famille. Mais depuis les années 2000, on s’est petit à petit retrouvé dans une situation où il était possible que les destins ne soient plus aussi liés. On a vu dans les gouvernements Leterme I – Van Rompuy – Leterme II, que le parti socialiste était au pouvoir au niveau Fédéral, alors que le sp.a était dans l’opposition. Du côté des libéraux, le MR est souvent dans l’opposition à Bruxelles, alors que l’Open-VLD est quasiment toujours au pouvoir. Au niveau des sociaux-chrétiens, actuellement le CD&V est dans la majorité au niveau fédéral alors que le cdH avait choisi l’opposition en 2014. Et donc pour les partis qui, historiquement, ont été unis et puis qui se sont scindés, on a vu que les destins petit à petit s’éloignaient ».


Reste qu’il est plus facile, selon lui, d’essayer prioritairement « de gouverner au niveau fédéral avec le partenaire de sa famille, parce que cela reste avant tout des familles idéologiques, même si ce ne sont pas des familles structurellement liées. En tout cas, elles sont unies par une idéologie et il est évidemment plus facile de s’entendre (notamment sur le programme socio-économique) avec quelqu’un qui est de votre famille plutôt que quelqu’un qui vient d’une autre famille politique. Mais en même temps, cela n’est plus aujourd’hui une condition sine qua non de participation au pouvoir ou à l’opposition ». C’est d’ailleurs pour cette raison que l'« on va retrouver parfois plus d’accords entre partis flamands ou entre partis francophones qu’entre partis d’une même famille politique ».


Quelques exceptions


La famille écologiste est « un autre cas de figure », selon Jean Faniel. « Les partis n’ont jamais été liés puisqu’Agalev (l’actuel Groen) et Ecolo sont nés de manière distincte. Et si Groen a des relations privilégiées avec Ecolo, et même un groupe commun à la Chambre et au Sénat, c’est quand même sur une base différente. Et là aussi, on a eu des exemples où l’un était au pouvoir quand l’autre était dans l’opposition à la Région de Bruxelles-capitale. En fait, il ne reste que quelques partis unitaires, des petits partis en règle générale, et un plus important qui lui est le PTB. C’est un parti unitaire. Donc là, la question ne se pose pas en termes de famille politique, elle se pose toujours bien en termes de parti puisqu’on a toujours à faire à un seul et unique parti ».


Points communs et divergences entre les quatre grandes familles


MR - Open-VLD


Globalement, les libéraux du Nord et du Sud du pays sont « sur la même longueur d’onde en termes d’idéologie, en termes de sens général. On veut améliorer la compétitivité des entreprises, on veut davantage de flexibilité du marché du travail, par exemple », explique Jean Faniel.


Les différences sont probablement dues aux « sensibilités qui sont peut-être dissemblables parce que la réalité à laquelle on est confrontée n’est pas la même. Par exemple, sur le climat, il faudrait voir jusqu’où il peut y avoir accord entre les deux partis. Sur les questions liées au chômage, la situation de la Wallonie et de Bruxelles d’une part et celle de la Flandre d’autre part étant fort différentes, on va retrouver des différences quand même importantes. Le rapport au syndicat et à la concertation sociale est aussi un peu différent entre le MR qui se dit plus attaché à la concertation sociale que l’Open-VLD qui, dans certains cas, a davantage voulu passer en force plutôt qu’en passant par la concertation sociale ».


PS – sp.a


Du côté des socialistes, c’est que les questions de la migration, que « le discours est beaucoup plus ferme, plus dur de la part des socialistes flamands. C’était déjà le cas dans la seconde moitié des années 90. Le discours est aussi plus dur sur les allocations sociales avec une vision de l’état social qui a été fortement promue par les socialistes flamands qui est l’état social actif dont ils reviennent en partie sur certains aspects. Le prolongement de la carrière, le relèvement de l’âge de la retraite éventuellement, la dégressivité accrue des allocations de chômage, l’imposition du statut de cohabitant, tout ça, ce sont des points qui, potentiellement, peuvent faire de fortes divergences entre les socialistes francophones et les socialistes flamands ».


Le directeur général du Crisp donne d’ailleurs quelques exemples où « on a vu les socialistes s’opposer parfois assez nettement pour finir par trouver des terrains d’entente » parce qu’ils gouvernaient ensemble : la réforme du minimex en 2001-2002, la réforme du contrôle des chômeurs en 2003, le pacte de solidarité entre les générations sur les fins de carrière en 2005.


cdH – CD&V


A partir de 1999, quand les sociaux-chrétiens se sont retrouvés dans l’opposition, il y a eu des changements. Le CVP a évolué « vers un nationalisme flamand plus avancé », explique Jean Faniel. Il est devenu le CD & V pour Christen-Democratisch en Vlaams, « donc en affirmant clairement le côté flamand et en maintenant la dimension confessionnelle du parti ».


Ce qui n’est pas le cas du côté francophone où on a plutôt laissé tomber cette dimension confessionnelle en optant pour le cdH, Centre Démocrate Humaniste, « sans pour autant devenir un parti wallingant ». Soit « de forts désaccords que l’on a vus à travers les volontés de réformes de l’état ».


« Mais par contre, on voit que ce sont des partis qui peuvent encore se retrouver sur toute une série de thématiques. Notamment dans les prises de position parfois communes de leur dirigeant de centre d’études ».


Ecolo-Groen


Les écologistes flamands et francophones se présentent ensemble pour Bruxelles avec une liste commune à la Chambre, « mais plus largement, ils forment un groupe linguistique commun plus général. On est là sur des partis qui travaillent plus structurellement ensemble que le font les partis des trois autres familles politiques ».


Les différences se notent plutôt sur des questions économiques avec l'« impression d’une frange un peu plus libérale chez Groen ». Reste que pour Jean Faniel, « c’est quand même sans doute là qu’il reste le moins d’écart au sein d’une même famille politique si on compare aux trois autres ».


Céline Biourge, RTBF



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