Après l'Autriche, c'est au tour de la Roumanie de prendre la présidence tournante de l'Union européenne, pour six mois. Une accession critiquée. "Le gouvernement de Bucarest n'a pas encore pleinement compris ce que signifie présider les pays de l'UE" a ainsi déclaré le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Il met en doute la capacité du pays d'être à l'écoute des autres, et mettant ses propres préoccupations nationales au second plan.
Et selon Jean-Michel De Waele, politologue à l'ULB, "l’Europe a de sérieuses raisons de s’inquiéter et c’est d’ailleurs dommage qu’elle s’inquiète si tard."
"Le gouvernement roumain est un gouvernement qui est totalement concentré sur des affaires de corruption au gouvernement et essaie d’éviter la prison pour un certain nombre de ses membres ; c’est la seule chose qui l’intéresse à l’heure actuelle. On peut donc à la fois redouter qu’il ait l’Europe en priorité et qu’il y ait des problèmes d’agenda dans les mesures que le gouvernement roumain va prendre, qui risquent d’être condamnées par la Commission européenne. Maintenant, je vous ferai remarquer qu’avant ça on avait une présidence autrichienne, où l’extrême droite participait au gouvernement autrichien, donc ça posait aussi quelques questions."
Les pays de l'Est sont un peu les boucs émissaires de ce qui ne fonctionne pas en Europe
Le spécialiste de l'Europe centrale estime cependant "qu’aussi bien à la Commission européenne que dans l’Union européenne, c’est toujours beaucoup plus facile de taper sur les pays de l'Est et les nouveaux venus, qui sont un peu les boucs émissaires, de tout ce qui ne fonctionne pas en Europe, que de taper par exemple sur l’Autriche. Je suis assez étonné qu’on n’ait pas entendu beaucoup plus de commentaires sur la présidence autrichienne, alors que le gouvernement autrichien prenait à ce moment-là toute une série de mesures qui contreviennent aux valeurs européennes."
Corruption au sommet de l'Etat
En novembre dernier, les eurodéputés ont déjà pointé du doigt la réforme judiciaire roumaine, qui ne protègerait pas le pays de la corruption, et menacerait l'indépendance de la justice. De nombreux scandales de corruption secouent le monde politique roumain, qui essaye par tous les moyens de protéger ses députés de sanctions judiciaires.
Le rêve de ce gouvernement est de faire voter des lois qui empêchent un certain nombre de responsables politiques ou de ministres d’aller en prison, soit parce qu’ils vont être condamnés, soit parce qu’ils sont condamnés, et dès lors, de devoir revoir le système juridique roumain qui le ferait sortir de ce qui est acceptable pour l’Union européenne, commente Jean-Michel De Waele. Ça la mettrait évidemment assez mal que le gouvernement roumain présidant l’Union européenne prenne toute une série de mesures qui contreviennent aux législations européennes. C’est un exemple parmi d’autres, la gestion des fonds communautaires et le fait que la Roumanie n’est pas le centre du monde. L’agenda est un agenda mondial et l’agenda n’est pas d’essayer d’éviter la prison à M. Dragnea ou à d’autres mafieux au pouvoir en Roumanie à l’heure actuelle."
Autre question que pose le politologue, est celle de la composition des grands politiques politiques au Parlement européen. "Le Parti social-démocrate roumain, totalement mafieux, est membre du Parti socialiste européen ; [le président hongrois] Orbán, (connu pour ses positions extrêmistes, ndlr) est membre du Parti populaire européen. Au moment où il y a une défiance des citoyens vis-à-vis de la construction européenne et vis-à-vis du pouvoir politique, je pense qu’il y a là aussi un souci de cohérence que l’on peut appeler de la part de nos élus. Le gouvernement roumain appartient à une grande famille politique européenne, c’est la même chose en Hongrie, il est peut-être temps là aussi que les partis politiques belges, membres des grandes organisations ou des partis politiques européens, prennent des mesures fortes."
Grand développement économique
Et de rappeler que l'Union européenne permet, aussi, à ses derniers membres de se développer... Ces mêmes pays qui sont très critiques envers la politique européenne. "Dans les pays d’Europe centrale, dont la Roumanie, ce qui est remarquable, c’est que l’Union permet le développement de pays, certes de façon inégalitaire, certes avec des problèmes de corruption, mais les progrès sont là. Si on veut voir à quoi sert l’Union européenne, voyons le développement d’un certain nombre de pays d’Europe centrale. Mais ce qui est évidemment très paradoxal, c’est que l’argent de l’Union européenne sert à des gouvernements qui n’ont de cesse de critiquer l’Union européenne. Alors, je suis très sensible aux critiques de l’Union européenne, qui a commis un certain nombre d’erreurs en imposant partout des politiques d’austérité, mais ceci étant, l’Union européenne apporte toute une série de choses tout à fait positives, entre autres à la Roumanie. Et là aussi il y a tout de même une grosse difficulté, c’est que si la Hongrie, si la Pologne, si la Roumanie et si la Bulgarie vont bien, c’est grâce à l’Union européenne."
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